Dans
l’Europe entière on surnomma la cour de Louis XV « la cour
parfumée », pour l’admirer ou la stigmatiser… De fait, le
XVIIIème siècle est le siècle des « lumières » mais aussi des «
parfums » et globalement de l’élégance…
Des
parfumeurs comme Fargeon et avant lui Dejean nous ont laissé des
traités précis sur l’usage des matières premières et les goûts
du siècle.
Les
historiens rapportent la passion du Roi et de la Marquise pour les
orangers, les bouquets de fleurs, les bains (la remise en état
récente de la salle de bain à deux baignoires de la Pompadour à
Versailles l’illustre bien), les pot-pourris etc. A Versailles dans
les appartements privés et secrets du Roi, le parfum est partout,
quand bien même certains auteurs soulignent la puanteur des parties
communes que le Roi fuit…
Le
couple s’installe souvent ailleurs et la Marquise règne alors en
maîtresse absolue des plaisirs et notamment ceux de l’olfaction.
On signale dans sa comptabilité des dépenses pour les parfums de
cinq cent Livres par an…
Celle-ci
se fait représenter dans tous ses portraits entourée de fleurs
disposées symboliquement presque comme une illustration de formule
de parfumerie. Comme le remarque l’historienne Danielle Gallet,
auteur d’une biographie de référence sur la Marquise, « les
roses avec leur charge symbolique venant du fond des âges, sont
omniprésentes, sous toutes les formes », dans ses jardins, dans le
décor intérieur de ses demeures, dans son théâtre, dans les
lustres de sa bibliothèque, dans le tissu de ses robes et bien sûr
associée à ses armes à la Tour héraldique. Globalement, elle
adore – goût partagé par son auguste amant et par la mode de
l’époque – les bouquets où vont se mélanger pour le plus grand
raffinement le visuel des toutes les couleurs et l’odeur de tous
les parfums.
Cette
mode des bouquets perdurera jusqu’à la fin du XIXème siècle : il
s’agit de la quintessence du royaume des fleurs. Une Eau prend
alors le nom de « mille fleurs ». Ce rêve de perfection
représenterait ce qu’on appelle de nos jours « la note de cœur
». Pour le « fond », on le sait la mode est à l’ambre et au
musc, mais le musc est en perte de vitesse… Quant aux notes de
tête, ce sont les agrumes, déjà en vogue à la cour de Louis XIV
grâce à la princesse de La Trémoille –Nérola, qui donna son nom
au fameux Néroli, c’est à dire la fleur d’oranger bigaradier.
Et pour Louis XV et la Pompadour un goût marqué aussi pour les
essences de fruits et surtout de l’orange dite « du Portugal ». «
L’eau de fleur d’oranger calmait les migraines de la Pompadour,
précise Danielle Gallet. Roze en distillait à Versailles au Grand
Commun. »
Le
siècle ne connaît pas la distinction parfum masculin – parfum
féminin, les deux amants illustres partagent les mêmes parfums. Ils
les échangent et les changent tous les jours, comme dans un jeu
érotique.
De
plus, l’art de se parfumer est différent de celui que nous
pratiquons de nos jours, qui se borne au parfum corporel proprement
dit. C’est tout l’environnement qui est parfumé. On a ainsi
retrouvé une recette de Madame de Pompadour elle-même pour les
pots-pourris qu’elle distribuait dans toutes ses maisons et pour
lesquels elle avait fait réaliser les magnifiques pots en porcelaine
de Sèvres qui nous sont restés. Les boiseries et la colle pour les
tissus et papiers sont parfumés également ! Fleurs fraîches et
pot-pourris dans les pièces, sels pour le bain, sachets pour les
armoires et parfumer les vêtements, gants et mouchoirs parfumés, et
bien sûr perruques et cheveux poudrés au talc de racine d’iris.
Le parfum qu’on se met sur le corps ne fait que compléter ce feu
d’artifice. Il n’est pas simple cependant : le XVIIIème siècle
aime à s’approprier tous les produits qui viennent d’orient et
des colonies. Les formules sont complexes et coûteuses et peuvent
comporter plus de trente produits différents, contre 3 dans le
parfum retrouvé de Marguerite de Valois (la reine Margot), deux
siècles plus tôt !
Dans
sa recréation, Nicolas de Barry n’a pas essayé de reproduire «
le » parfum du couple royal, mais « un » parfum (en deux
exemplaires) parmi sans doute de nombreux autres, mais avec une
configuration qui changeait peu : Orange, Néroli et Bergamote
dominent la tête et le bouquet rassemble les fleurs préférées du
couple : rose, jasmin, gardénia, lilas, violette, jacinthe,
jonquille œillet, tubéreuse etc. L’iris et l’ambre donnent
l’élégance à ce bouquet plus poudré pour la Marquise et plus
orienté vers l’agrume pour le Roi. Le corps du parfum est
toutefois identique…
Le
jour des obsèques de la Marquise, le Roi regarde passer le cortège,
derrière les fenêtres de Versailles, sans pouvoir sortir: étiquette
oblige. Petite touche parfumée, en guise de point final et d’adieu,
les gants parfumés des bedeaux et des porteurs lors des obsèques,
ont été faits par la Dame Amey, gantière et parfumeuse de la
Marquise…