Mes Recettes de Parfums



L’art de la création

Un livre de recettes de cuisine ne fait pas un bon cuisinier... Pour la parfumerie, certains problèmes rencontrés par les gastronomes seront équivalents. La qualité et la spécificité,

voire la rareté, de certaines matières premières est le principal paramètre sensible : une huile essentielle de Vétiver ou une absolue de Rose varie- ront suivant l’origine - le Vétiver viendra de la Réunion ou de Java et la Rose de Bulgarie, de Turquie ou du Maroc... -, l’âge (méfiez-vous destrop vieux stocks), l’honnêteté du revendeur (certains n’hésitent pas à « couper » une vraie rose avec de la rose synthétique moins chère) etc... Surtout chaque individu a ses propres goûts : donner une recette dé- finitive serait parier sur l’uniformité de la sensibilité de nos lecteurs etlectrices... Dans les recettes que nous donnerons, nous laisserons une large place à la personnalisation des parfums : à chacun de modifier un équilibre ou même un ingrédient pour arriver au produit souhaité. Ou proche de celui souhaité : la perfection n’existe pas ! Pour ce faire, un petit cours préliminaire de composition nous a semblé nécessaire ; nous vous suggérons de le lire avant de vous lancer dans telle ou telle réalisa- tion de recette.

Comment compose-t-on un parfum ?

La création est essentiellement une recherche d’harmonie entre plusieurs composants (les huiles essentielles, absolues etc.) : la suite, c’est à dire le mélange avec un solvant (alcool) ou un corps de réception (huile, savon) est simple et toujours la même.

Concentrons-nous sur le principal : l’assemblage des notes pour former un accord puis une composition. Les notes sont les huiles essentielles, chacune est issue d’une matière première définie : Rose, Jasmin, Vétiver etc. Les accords sont les assemblages de plusieurs notes : un accord simple à deux notes sera le mélange par exemple de Rose et de Musc dans une proportion équilibrée qui constituera l’accord. La composition sera l’assemblage de plusieurs accords en harmonie.

Il existe, pour le créateur, un nombre très grand de notes : d’abord les huiles essentielles naturelles, les absolues, les concrètes, des résinoides, tous produits résultant de transformations différentes : les huiles essen- tielles résultent de la distillation, les concrètes et absolues de l’enfleurage ou extraction par gaz volatiles, les résinoïdes proviennent du traitement des gommes et résines, enfin la macération consiste à laisser infuser dans de l’alcool un produit qui libérera ainsi son arôme (Vanille, Ambre). Il existe plus de 500 essences disponibles sur le marché ; chaque créateur a ses préférences et en utilise une bonne centaine. Il existe aussi des centaines de produits synthétiques et de bases proposées par les prin- cipaux laboratoires de production pour la parfumerie : certaines de ces bases sont une reproduction de notes naturelles ou des interprétations d’arômes naturels qui n’existent pas à l’état d’huiles essentielles (les fruits par exemple) ou qui donnent une note parfois plus proche de l’odeur na- turelle que le propre produit naturel : par exemple si vous souhaitez unenote de jus de Pamplemousse frais, vous trouverez plus fidèle la base synthétique qui essaye d’imiter cet effet, que l’huile essentielle, obtenue par pression à froid de l’écorce et non du jus...

Pour réaliser vos premiers essais, vous devrez choisir un petit nombre d’essences à acheter en herboristerie ou par correspondance, sur site Internet (voir Carnet). Nous vous recommandons de choisir de préférence des produits naturels : ils sont plus chers mais plus beaux, vous aurez donc déjà l’avantage de travailler avec de bons produits.

Les notes sont réparties, pour plus de simplicité pédagogique, en trois familles : les notes de fond, de cœur et de tête. Le fond constitue l’arma- ture du parfum, c’est lui qui lui donne sa profondeur et aussi sa durée. Le cœur, est le complément du fond : il lui donne son élégance et son équilibre. La tête, constituée par les matières les plus volatiles, c’est la chantilly sur le gâteau ; ce n’est pas le plus important mais c’est ce que le consommateur perçoit d’emblée, ce sont des notes légères et immédia- tement agréables.

Pour composer un parfum ou même une eau de Cologne, on doit donc obéir à un choix de composition en trois accords :
Pour la clarté du propos, nous choisirons un exemple, celui d’une com- position classique, un Chypre. De nombreux parfums sont des Chypres, 
avec des variantes infinies. C’est le « Chypre » de François Coty qui a ser- vi de référence depuis près d’un siècle, mais il existait des compositions dites Chypre depuis l’antiquité, l’île de la Méditerranée ayant été de tout temps un lieu de production de parfums.

La composition commence par le fond : dans le cas d’un Chypre, la note dominante doit être l’absolue de Mousse de chêne, produit très agreste, tenace et peu volatil. Pour conférer à notre composition une caractéristique originale, il faut d’emblée associer cette note de Mousse de chêne à une autre note de fond, avec laquelle elle va s’harmoniser : Patchouli, Cèdre, Ambre, Ciste Labdanum, Vétiver etc... Choisissons par exemple la note d’Ambre. Vous pouvez faire vous-même une expérience d’ac- cord de la façon suivante :

Vous mélangez dans de petites éprouvettes ou flacons récupérés, les deux composants - en ajoutant un peu d’alcool - et en augmentant pro- gressivement l’Ambre. Par exemple, dans un fond de 30 gouttes d’al- cool, dosez successivement en gouttes les deux essences suivantes:

• Absolue de Mousse de chêne : 9 8 7 6 5 

• Teinture ou base synthétique Ambre : 1 2 3 4 5

Grâce à ces 5 expériences sur une quantité totale de 10 gouttes (ou grammes suivant votre matériel) vous allez trouver l’accord qui vous conviendra le mieux en fonction de l’intensité olfactive des deux pro- duits.

J’ai choisi pour ma part avec les produits à ma disposition au moment de l’expérience, le rapport :

• Absolue de Mousse de chêne : 6 

• Teinture ou base synthétique Ambre : 4

Et j’y ai ajouté en mineur :
• Huile essentielle de Cèdre : 1

Pour le cœur, j’ai choisi la simplicité et la qualité : une Absolue de Rose qui à ce stade ne nécessite aucune autre adjonction.
Pour la tête, vous avez le choix entre tous les agrumes : Citron, Orange, Mandarine, Pamplemousse, Limette, Bergamote. Suivant l’exemple de l’accord de fond, et après avoir senti les matières premières à votre dis- position, vous ferez de même avec deux d’entre elles, par exemple Pam- plemousse et Bergamote.

Pour moi cela donne :

• Huile essentielle de Pamplemousse : 3 

• Huile essentielle de Bergamote : 2

Nous pouvons alors rassembler nos trois accords de base et arriver à la formule suivante :

• Huile essentielle de Pamplemousse : 3

 • Huile essentielle de Bergamote : 2 

• Absolue de Rose : 3 

• Absolue de Mousse de chêne : 6 

• Teinture ou base synthétique Ambre : 4

 • Huile essentielle de Cèdre : 1

Cette base Chypre une fois établie, elle vous servira à de nombreux usages. Vous pourrez l’utiliser telle quelle, vous pourrez , à l’intérieur de cette composition, augmenter ou diminuer tel élément, vous pourrez l’utiliser comme une base pour faire autre chose : par exemple un Vétiver, vous pourrez aussi modifier un élément et le remplacer par un autre, à chaque fois en faisant l’expérience graduelle expliquée précédemment.

Avec un Chypre, un Oriental et une Cologne, et avec quelques belles essences naturelles florales, comme le jasmin, la rose, la tubéreuse ou synthétiques comme le muguet, vous aurez en main, si l’expérience vous a plu, des dizaines de possibilités de parfums différents, agréables et simples.

Comment fabrique-t-on un parfum ?

Une fois composé, le parfum doit être fabriqué : en général vous aurez préparé un premier essai en petite quantité en utilisant une pipette. Si vous voulez produire 500 ml ou plus, il faudra passer aux grammes et ac- quérir une petite balance de précision : dans ce cas vous devrez faire une expérience essence par essence pour mesurer l’équivalent gramme de vos gouttes, car chaque matière première a une densité différente. Dans tous les cas la fabrication est la même : vous mélangez, dans un flaconen verre de préférence (une bouteille de vin) les huiles essentielles avec l’alcool, vous remuez puis bouchez (bouchon de liège) et laissez reposer un mois environ.

Concernant l’alcool, vous utiliserez l’alcool éthylique ou Ethanol. L’idéal serait d’avoir un alcool à 97 degrés, mais vous trouverez en général de l’alcool à 90. Lorsque vous souhaitez avoir un alcool plus faible (pour les liqueurs), vous réduisez son titrage alcoolique simplement en le coupant d’eau : ainsi un volume d’alcool à 90 mélangé à un volume d’eau donne un alcool à 45 degrés.

Apres la maturation, vous mettrez votre mélange parfumé à «glacer » au freezer ou congélateur durant une nuit et vous filtrerez avec un entonnoir (en verre de préférence) et du papier filtre. Votre parfum est prêt, mais il s’améliorera avec le temps dans les six premiers mois. Ensuite, si vous ne l’employez pas immédiatement, gardez-le au frais et dans l’obscurité.


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